Chiffres arabes, chiffres mystère

Mise à jour le mercredi 20 mai 2009

AU SOMMAIRE DE CETTE PAGE :

Les chiffres romains et leurs limites

Les chiffres arabes et leur intérêt

Pourquoi dit-on « chiffres arabes » ?  

Comment les chiffres arabes sont-ils arrivés en Europe ?

Sais-tu que les mots chiffre et zéro sont des mots arabes ?

C’est ce que tu vas découvrir dans cette page. Et tu vas également comprendre pourquoi.

LES CHIFFRES ROMAINS ET LEURS LIMITES

Tu le sais sûrement : les chiffres que tu utilises tous les jours, soit :

1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6 – 7 – 8 – 9 – 0

sont appelés chiffres arabes.

Ceux  que l’on appelle chiffres romains sont des lettres. Ce son ceux que tu peux lire exemple sur le cadran des horloges.

Horloge avec chiffres romains

Les chiffres romains servaient à indiquer la valeur numérique d’une grandeur. Ils sont composés à partir de sept lettres, mais n’indiquent pas le zéro. Nous avions ainsi :

 

 IVXLCDM
 1510501005001000

 

Ce système indique les nombres de 1 à 4999 qui s’écrit : MMMMIM.  

Il combine l’addition et la soustraction de signes.

En utilisant seulement l’addition de signes,  4999 devrait s’écrire :

4 fois 1000 + 500 + 4 fois 100 + 50 + 4 fois 10 + 5 + quatre fois 1 = MMMM + DDDD + L + XXXX + V + IIII.

Mais la soustraction permet des simplifications. Ainsi:

9 pourrait s’écrire 5 + 4 fois I, soit VIIII. Mais on met 10 – I soit IX.

40 pourrait s’écrire 4 fois 10, soit XXXX. Mais on préfère mettre IL.

90 pourrait s’écrire 50 + 4 fois 10, soit LXXXX. Mais on préfère mettre XC.

etc.

Pour en revenir à 4999, nous avons ainsi MMMMIM. C’est quand même plus simple que MMMMDDDDLXXXXVIIII…

Mais quand la soustraction est impossible, c’est plus compliqué :

Ainsi 4888 doit néanmoins s’écrire : MMMMDIIILIIIVIII, ce qui n’est pas vraiment évident à lire.

Le système numérique romain ne permet pas de calculer. Pour cela  il faut utiliser un abaque. C’est comme un boulier. Les nombres sont indiqués à l’origine de petits caillous qui se disent en latin calculi, d’où le mot calcul.

Chaque colonne correspond à un nombre exprimé par une lettre. Le principe de l’addition et de la soustraction est simple à comprendre : le transfert des retenues s’effectue en remplaçant 5 galets d’une colonne par un galet de la colonne suivante (et réciproquement).

abaque romain

LES CHIFFRES ARABES ET LEUR INTÉRÊT

Les chiffres arabes permettent d’effectuer bien plus simplement les calculs que l’on faisait autrefois à l’aide de l’abaque.

C’est déjà vrai pour l’addition et la soustraction. Mais que penser de la multiplication ? Elle devient un jeu d’enfant à l’aide de « tables de multiplication » que tout écolier apprend de nos jours très vite par cœur.

Aujourd’hui, la multiplication à deux chiffres s’apprend en CE2.

Tu as remarqué que les chiffres romains ne comprennent pas le zéro.

C’est pourtant ce chiffre magique qui va révolutionner les mathématiques en permettant de résoudre très simplement par des équations les problèmes dont la solution fut d’abord recherchée par approximations successives puis de façon géométrique. On apprend  d’ailleurs cela au collège dès la classe de 6ème.

 

Cette gravure allemande de 1508 présente Madame Arithmétique présidant aux calculs fait par deux mathématiciens. Lun effectue une opération de manière traditionnelle, à laide de labaque, lautre calcule directement sur le papier avec les chiffres arabes.

POURQUOI DIT-ON « CHIFFRES ARABES » ?

Nous avons que les Indiens utilisaient déjà les chiffres que nous appelons « arabes », y compris le zéro, au VIIe siècle de notre ère.  Ces chiffres furent connus au siècle suivant au Moyen-Orient. Mais c’est une peu plus tard encore, vers 820, que le grand savant Al-Khwarizmi, celui qui a inventé le mot algèbre, en a introduit la pratique dans le Monde arabe.

Cette dette aux mathématiques indiennes, les Arabes la reconnaissent d’ailleurs puisqu’ils appellent toujours aujourd’hui ces chiffres les chiffres indiens.

Ce sont les Européens qui les ont nommés chiffres arabes. Tout simplement parce qu’ils les ont appris des Arabes.  

Al-Khwarizmi (783-850)
 

Chiffres indiens en Inde

 
 

Chiffres indiens chez les Arabes

٠

١

٢

٣

٤

٥

٦

٧

٨

٩

 

 

Chiffres arabes internationaux

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

 

Comme tu peux t’en rendre compte dans le tableau ci-dessus, si les Arabes ont déjà pas mal transformé les chiffres qu’il ont appris des Indiens, les chiffres arabes adoptés par les Européens sont encore assez différents des chiffres indiens utilisés par les Arabes.

En fait, la graphie des chiffres indiens  avait déjà subie une certaine évolution en passant du Moyen-Orient au Maghreb et c’est avec la  graphie du Maghreb que les Européens ont appris les chiffres arabes.

COMMENT LES CHIFFRES ARABES SONT-ILS ARRIVÉS EN EUROPE ?

Il a fallu aux chiffres arabes s’y prendre à deux fois pour être introduits en Europe.

Première tentative : Gerbert d’Aurillac, parti étudier en Catalogne vers 965, les apprends chez un grand érudit de l’époque, qui pratiquait le latin et l’arabe, Llobet de Barcelone. Devenu professeur à Reims, il enseigne à ses élèves l’usage d’un abaque nouveau où, dans chaque colonne,  les jetons multiples sont remplacés par un jeton unique portant comme étiquette un chiffre arabe. Il ignorait toutefois le zéro, ce qui limitait leur intérêt.

Gerbert d’Aurillac (942-1003), un grand intellectuel de son époque. Il fut le précepteur d’Othon II qui deviendra empereur d’Allemagne, et fut ministre de Hugues Capet, le roi de France… Enfin et surtout, il sera pape en 999 sous le nom de Sylvestre II.

Deuxième tentative : Bonacci fils, en latin filius Bonacci, d’où son surnom de Fibonacci,  s’appelle Léonard. Son père, commerçant à Pise, l’envoie pour ses affaires dans un comptoir de Bougie, ville de l’Algérie d’aujourd’hui. Là il apprend à calculer à la manière des Arabes et se prend de passion pour cette manière de faire.

Il voyage alors en Orient où il s’initie aux mathématiques arabes, rencontre les plus grands savants de son époque. Quand il rentre à Pise, en 1202, il écrit un premier livre qui le rendra célèbre, le Livre de l’abaque. Note que le titre est curieux puisque Fibonacci explique dans ce libre comment calculer sans l’abaque. Et c’est lui qui introduit le chiffre zéro et, avec lui, les calculs compliqués.

Pour dire nommer le « zéro », Fibonacci utilise tout naturellement le mot arabe sifr qui devient en latin cifra. C’est ce mot qui est à l’origine du mot zéro mais aussi du mot chiffre

Statue de Fibonacci (1175-1240) à Pise

Cette deuxième tentative est la bonne. Mais ce ne fut pas sans mal !

* Sais-tu qu’en 1280, la ville de Florence interdira l’usage des chiffres arabes qui étaient bien trop mystérieux ?

* Connais-tu encore la légende selon laquelle Gerbert aurait vendu son âme au diable?  Elle a couru très longtemps, au point que son successeur lointain, le pape Innocent XII, fera ouvrir sa tombe en 1648 pour voir si le démon ne s’y était pas logé ? L’intérêt de Gerbert pour les chiffres arabes, qui sentaient le soufre, n’y sont probablement pas pour rien… 

Sur cette miniature médiévale, on voit Gerbert saisi par les démons…