Nos prénoms en partage
compte rendu de l’action éducative menée au Centre Social et culturel de la Florentine (année 2010-2011)
SOMMAIRE
Les Petits font une fresque
Les enfants (Moyens et Petits) illustrent leurs prénoms
Les Grands s’initient à la calligraphie
Les Grands brodent sur leurs prénoms
Liste des prénoms au Centre de la Florentine
Prénoms féminins
Prénoms masculins
Pourquoi mettre nos prénoms en commun ?
Les enfants et leurs prénoms
Les enfants illustrent leurs prénoms
Les Petits font une fresque
Les enfants (Moyens et Petits) illustrent leurs prénoms
Les Grands s’initient à la calligraphie
Les Grands brodent sur leurs prénoms
La poésie de TOM
Tom aime les Tomates
j’adore la pub Oasis
j’ai de la Malchance
je suis un Touriste
ma mère travaille à l’Observateur
je porte un Manteau
je Touche à tout
j’aime l’Ordinateur
ma mamy ne me frappe pas au Martinet.
Les rêves de Thibaut …
Je m’appelle Thibaut, mon prénom vient d’un peuple germain. Les habitants de ce peuple s’appelaient les Thibautiens, ils étaient courageux, et aimaient la guerre. Mais aussi, ils pouvaient être tendres.
Si se peuple existait encore je serais peut- être le chef. Car je suis le plus courageux, le plus intelligent, le plus beau et le plus fort. Je serais à l’écoute, et tendre avec ceux que j’apprécie.
…et d’Alan
Les Alan veulent tous être chef, dirigeant ou encore patron. Quand on les ennuie, ils sont en colère, et euh…ils se vengent. Les Alan son énergiques et sont toujours prêts à participer, à des jeux ou à des fêtes et ils aiment écouter se qui ne les concerne pas. Alan signifie « beau, calme »… En fait. calme, ça dépend des moments ! Et pour « le beau », ce n’est pas faux. Les Alan aiment les jeux d’horreurs, les films d’horreurs et les histoires qui font peur. Et oui ! Je suis fier de m’appeler Alan.
Liste des prénoms au centre La Florentine
Prénoms féminins
Prénoms | Étymologie | Correspondances possibles |
ADELINA | diminutif d’Adela, dérivé féminin du germanique adal, « noble ». | arabe Nabila |
ALICIA | forme latinisée de Alice, du vieux français Aalis, dérivé tronqué d’Adelais, du germanique Adelhaidis, construit sur 1. adal, « noble », + 2. heid, « type, genre », qui donne aussi Adelaïde. | Eugénie, arabe Nagiba |
AMÉLIE | souvent confondu avec Émilie, dérivé du germanique amal, « travail ». | Millicent, ≈ Georgina |
ANAËLLE | pourrait résulter du croisement de Anne, de l’hébreu hanna, « grâce », + Aël, forme bretonne du grec Aggelos, latin Angelus, « ange ». | Angèle |
ASSIA | Âsiya, « celle qui soigne, qui console », est le nom arabe de l’épouse de Pharaon, celle qui recueillit Moïse. | Ophélie basque Osane |
CAMILLE | du latin camillus, d’origine probablement étrusque et interprété comme le nom d’un enfant « dédié au culte », c’est-à-dire « consacré ». | absent |
CATHY | diminutif de Catherine, probablement dérivé du grec catharos, « pur ». | Agnès, Inès, Virginie, arabe Afaf |
CLARA | du latin Clara, « claire, brillante, renommée ». | Roxane, Berthe, arabe Zahia |
CHRISTINA | féminin du latin médiéval Christianus, « chrétien », dérivé du grec krystos, « celui qui est oint », traduction de l’hébreu et de l’araméen massiah, « messie », devenu courant au milieu du XXe siècle. | ≈ arabe Mouslima hébreu Yehudi (m.) |
DJOUHER | de l’arabe jawhar, « joyau ». | Bijou, Jewel |
ÉLISA | diminutif de Élisabeth, de l’hébreu El isheva, « Dieu est un serment », cest-à-dire « Dieu a tenu sa promesse ». | ≈ arabe Ahd turc Berkant |
ÉLOÏSE | féminin littéraire formé sur Éloi, du latin eligius, « choisi, élu ». | Moustapha (masc.) |
ÉMILIE | nom de famille latin, la gens (= famille) aemilia, interprété comme dérivé de aemilius, « rival ». | absent |
EMMA | du germanique ermen, « le tout », porté par Emma de Normandie, lors de la conquête normande de l’Angleterre et popularisé par la littérature anglaise du XVIIIe siècle. Il peut aussi apparaître comme le diminutif de Emmanuelle, féminin du nom hébraïque emma-nu-El, « Dieu est avec nous. | arabe Salima
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GAEWEN | formé sur le celtique gwen, « beau, blanc » | Belle, Blanche |
GWENDOLINE | du breton 1. gwen, « beau, blanc » + 2. dolen, « anneau ». | Belle, Blanche
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JADE | prénom récent qui est le nom de la pierre précieuse. | Esmeralda, Yacinthe, Ruby, arabe Fayruz |
JULIE | nom de famille latin : gens (= famille) Julia, interprété comme lié au « châton du coudrier ». | ≈ Fleur arabe Zahra |
JUSTINE | féminin de Justin, formé sur le latin Justinius, dérivé de justus, « juste ». | Adila |
LAURA | formé sur le latin laurentius, dérivé de « laurier », compris comme emblème du triomphateur. | ≈ Stéphanie, arabe Taj |
LUCIE | dérivé du latin lux, lumière. | Roxane, arabe Nora |
MAEVA | prénom tahitien signifiant « Bienvenue ». | Aspasia, Bienvenue |
MATHILDE | du germanique 1. maht, « force » + 2. hild, « bataille ». | arabe Izza |
NADÈGE | du russe nadyzhda, « espoir ». | Esperanza, Hope arabe Amal, Raja |
OPHÉLIE | du grec ophelos, « aide, secours ». | arabe Nassera |
ORLEANA | voisin d’Orlana et d’Orlane, probablement dérivé d’Orlanda, du germanique 1. hrlud, « renommée » + 2. nant, « vaillant, preux », probablement influencé par Orléans (la ville). | Rolande, arabe Chahira |
SARAH | hébreu Sarah, « princesse » qui a aussi donné l’arabe Sâra. | Princess |
SÉVERINE | féminin de Séverin, forme sur le latin Severus, « sévère, rigoureux ». | arabe Abbassa |
Prénoms masculins
Prénoms | Étymologie | Correspondances possibles |
ALEXANDRE | grec : Alexandros, « défenseur des hommes ». | arabe Moumen |
ALAN | variante de Alan, du celtique signifiant « petit rocher » ou « élégant ». NB : certains y voient le nom d’un peuple indo-européen, les Alains. | Pierre, arabe Sakhr Alain
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AMAR | de l’arabe ‘Ammâr, « pieux, dévôt » | Pie, Pio |
ARNAUD | du germanique 1 arn, « aigle », + 2. wald, « pouvoir », tout comme Arnold. | arabe Nasr + Izz |
AURÉLIEN | du latin Aurelius, dérivé de aureus, « d’or, doré ». | arabe Dahabi |
BRYAN | dérivé du celtique (gaélique) bre, « colline », d’où « élevé, noble ». | arabe Sami, Ali |
CHRISTOPHE | du grec Chistophoros, « qui porte le Christ ». | ≈ arabe Abdelmassîh |
ENZO | forme italienne de Heinrich, qui donne aussi Henri, du germanique heim, « maison », + rich, maître »,. NB : Enzo peut aussi apparaître comme diminutif de plusieurs noms comme Fiorenzo, Lorenzo, Vincenzo, etc. | arabe Moulay |
FLORENT | du latin Florentius, formé sur florens, « florissant, prospère ». | arabe Rabia, Raghed |
FRANÇOIS | de l’italien Francesco, nom donné à François d’Assise, qui signifie « français », dérivé du germanique frank, « hardi », puis « libre », nom donné au peuple franc par le biais du latin francus. | ≈ latin Romain arabe Larbi |
GAUTHIER | du germanique qui a également donné Walther 1. wald, « règle », + 2. hari, « armée ». | 1. Oswald arabe Jounayd |
GIOVANNI | forme italienne du latin Johannes, qui a aussi donné Hans, Jean et John, au dépat de l’hébreu Yo-Hanna, « Dieu fait grâce », par le l’intermédiaire du grec Yohannis. | Jean arabe Hannah |
GUILLAUME | du germanique 1. will, « volonté », + 2. helm, « casque = protection », qui donne aussi William. | 1. arabe Kader 2. Gilles, arabe Nasser |
HICHEM | de l’arabe Hishâm, « bienfaisance, générosité ». | grec Gennadios |
LOÏC | du germanique qui a aussi donné Clovis, et Louis, à savoir Chlodovech, formé sur 1. rhlud, « renommée », + 2. wig, « guerrier » | arabe Chahir + Harb |
LUCAS LUKAS | du grec Loukas, « originaire de Lucanie », région d’Italie méridionale. | absent |
KILLIAN | forme anglicisée du gaélique ceall, « église », avec un suffixe diminutif. | anglais Kirk arabe Haykal |
MATHIEU | de l’hébreu mattit Yahu, « Don de Dieu par le grec Matthaios. | Déodat, Dieudonné Théodore, arabe Attalah, |
RAPHAËL | de l’hébreu rafa-El, « Dieu a soigné ». | Chafi |
ROLAND | du germanique 1. hroth, « renommée » + 2. nantha, « hardi, courageux ». | arabe Chahir, Rafia + Basil |
ROMAIN | du latin Romanus, « romain » | ≈ arabe Makki, Larbi |
SAMI | de l’arabe sâmî, « élevé, sublime ». NB : la même forme existe comme diminutif de Samuel, de l’hébreu Shamu’El, « nom de Dieu ». | Brian, arabe Ali
≈ Jérôme |
THÉO | abréviation habituelle de Théophile, du grec Theophilos, « qui aime Dieu ». | arabe Habibullah. |
THIBAUT | forme francisée, comme Théobald, du germanique 1. theud, « peuple » + 2. bald, « courageux » | Roland, arabe Basil ≈ Alexandre |
TOM | Diminutif de Thomas, qui est l’araméen Tûmâ, « jumeau ». | Gemini |
VALENTIN | du latin valens, « bien portant ». | arabe Salim |
YONIS | forme grec moderne de Yohannis, qui a également donné Jean, et qui vient de l’hébreu Yo-Hanna, « Dieu fait grâce ». | ≈ arabe Yahya |
Pourquoi mettre nos prénoms en commun ?
Nos prénoms présentent deux aspects inséparables. Choisis par les parents dans le secret de leur intimité, ils prennent sens, en même temps, dans l’histoire des familles et le rapport aux autres, à la société.
Comment sont choisis nos prénoms
Il y a plusieurs manières de choisir les prénoms.
La première, la plus classique, tient à une tradition familiale. Chaque génération renouvelle le prénom d’un membre de la famille, un grand-père ou une grand-mère, un oncle ou une tante, et cela de génération en génération. Autrefois cette pratique était très courante. Elle l’est moins aujourd’hui mais elle existe toujours bien qu’elle s’exprime le plus souvent dans le second ou même le troisième prénom.
La seconde manière tient au fait qu’un prénom nous plaît, tout simplement. Il peut être celui d’une personne populaire que nous aimons : elle peut appartenir au monde de la littérature ou celui du spectacle, aujourd’hui celui du cinéma, de la télévision ou de la chanson. Il peut s’agir aussi d’un personnage du monde politique. Il en a toujours été ainsi.
Et les deux manières peuvent se croiser et s’épauler. Prenons l’exemple fourni par Lazare Carnot, le révolutionnaire respecté, député à la Législative puis à la Convention et qui, en tant que membre du Comité de salut public, a organisé la levée en masse en 1793 et a mérité le surnom d’Organisateur de la victoire. Il nomma son fils aîné Sadi en l’honneur du grand poète persan Saadi, auteur, dans le Bagdad du XIIIe siècle, d’un chef-d’œuvre intitulé Le Jardin des roses… Sadi Carnot est devenu un physicien célèbre et les lycéens apprennent grâce à lui les principes de la thermodynamique. Le prénom s’est perpétué puisque le neveu de ce dernier, François Marie Sadi, que nous connaissons sous le nom usuel de Sadi Carnot, a été élu président de la République en 1887…
Le plus souvent, les prénoms que nous aimons répondent à un effet de mode. Celle-ci s’impose à nous en suggérant certains prénoms.
C’est le cas lors de la Révolution française quand les citoyens ont pris, d’enthousiasme, de nombreux noms de jours du calendrier républicain de Fabre d’Églantine qui correspondaient à des noms de fleurs, de fruits ou de plantes, comme Jasmin ou Jonquille. Certains sont restés, comme Muguette ou Pâquerette. D’autres ont disparu quand, à la suite du concordat conclu en 1801 entre le Premier consul Bonaparte et le pape Pie VII, la loi de 1803 a considérablement restreint la liberté de choix des prénoms. D’autres sont revenus aujourd’hui avec la liberté retrouvée, comme Prune ou Cerise.
C’est également le cas au sortir de la Seconde Guerre mondiale où le prestige politique des États-Unis s’est doublé d’un rayonnement culturel indéniable. Les prénoms anglo-saxons comme Cynthia ou Johnny ont alors commencé à gagner les faveurs du public.
Mais la mode ne se manifeste pas seulement par un prêt-à-porter en matière de prénoms, comme, pour les filles, Martine dans les années 1945-1955, quand il s’agissait, à peu près à la même époque, de Philippe pour les garçons. Elle nous suggère aussi des sonorités qui nous conduisent à choisir et même à créer certains prénoms qui leur font écho. Ainsi, les années 1970 ont été particulièrement friandes de prénoms féminins terminées en –ine comme Céline, Delphine, Karine ou Sandrine. Les années 1980 et 1990 ont penché pour des prénoms finissant en –ie, tels Aurélie, Élodie, Émilie ou Stéphanie. Un véritable engouement pour les prénoms ayant la finale –a, comme Clara, Emma, Lina, Lola ou Luna, a commencé dans les années 1990 et s’est largement développée dans la dernière décennie. Une telle tendance, particulièrement manifeste pour les prénoms féminins, est moins perceptible pour les garçons. On a pu voir néanmoins, notamment dans les années1980-2000, un certain goût pour les prénoms en –ien comme Adrien, Bastien, Fabien, Julien, de la même manière qu’en –in ou –ain, tels Robin, Romain, Quentin ou Valentin.
La preuve que certaines sonorités sont dans l’air du temps est que le marketing est à l’affût d’elles : il s’en empare et s’en sert pour élaborer des marques industrielles susceptibles d’attirer le public. Aussi nombreux sont les parents surpris de constater que d’autres enfants portent des prénoms semblables ou proches de ceux qu’ils ont donné aux leurs alors qu’ils s’imaginaient avoir choisi des noms tout à fait originaux.
Les enfants du Centre social et culturel La Florentine n’échappent pas aux suggestions de la mode, puisque douze d’entre eux portent un des dix noms les plus attribués en France dans la décennie 2000-2010 : il s’agit de Camille, Clara, Emma et Jade pour les filles, de Enzo, Lucas ou Lukas, Théo et Tom pour les garçons.
Mais peu importe que les prénoms soient à la mode ou non, puisqu’ils ont été choisis avec amour, qu’ils sont beaux et qu’ils nous plaisent !
Des choix parfois délicats
Comme nous pouvons aisément nous en rendre compte, les prénoms ne sont neutres ni psychologiquement ni socialement. S’ils peuvent inspirer, par leur sonorité ou par association d’idées, des choses agréables, ils sont aussi parfois susceptibles d’évoquer des choses désagréables. Deux exemples suffiront ici.
Le premier est celui d’un enfant nommé Kamel. La similitude du son avec la marque de cigarettes « Camel » et l’image du « chameau » qui l’illustre a fait que ce jeune était l’objet permanent des plaisanteries de ses camarades. On sait combien les enfants peuvent être cruels. Cela a duré jusqu’au jour où un éducateur a eu l’idée de mettre en commun les prénoms du groupe en donnant le sens de chacun, et a pu expliquer que kamel signifiait, en langue arabe, « accomplissement, perfection ». Ainsi valorisé dans le groupe, le prénom a cessé d’être l’objet de sarcasmes.
Second exemple, celui d’une jeune fille nommée Kassa. Le nom ne pouvait être évoqué sans que ses camarades s’écrient : « le poulet ! le poulet !… ». Il avait suffi qu’un jeune fasse allusion au fait qu’au Sénégal, une recette culinaire est le « poulet kassa » pour que le pli soit pris. La raillerie est devenue insupportable au point que la jeune fille n’osait même plus dire son nom. L’enseignant lui conseilla de demander à sa grand-mère d’où venait son nom, ce qu’elle fit. À la séance de mise en commun des prénoms suivante, Kassa arriva toute fière et raconta l’histoire merveilleuse d’une princesse portant ce nom. Double conséquence : la jeune fille assumait désormais son prénom et ses camarades de classe y percevaient autre chose que ce qui avait été la cause de leurs moqueries.
De nombreux prénoms peuvent ainsi, bien malgré les bonnes intentions des parents, susciter des réactions négatives de la part des autres membres du groupe dans un centre social, à l’école ou dans un quartier. Il faut savoir que l’on peut très souvent faire face à de telles réactions et les désamorcer.
Il est même possible de prendre appui sur elles pour les transformer en une connaissance profitable et en une acceptation de l’autre. C’est en tout cas le rôle des éducateurs, moniteurs ou enseignants.
Ainsi, les prénoms ne sont pas, pour ceux qui les portent, indifférents dans le rapport avec les autres, dans le groupe et, plus généralement, dans la société. Mais allons plus loin. Que nous le voulions ou non, ils disent quelque chose des traditions familiales, des habitudes religieuses ou culturelles des parents, de leur itinéraire et de leur histoire. Il peut même malheureusement, dans certains cas, donner prétexte à discrimination, que ce soit à l’embauche, au logement ou dans tout autre domaine de la vie sociale.
Cela a été vrai dans le passé, pour ce qui est de la religion, pour nos compatriotes de confession juive par exemple. Pour ce qui est de l’origine géographique des familles, cela a aussi été le cas, notamment dans le département du Nord, des Polonais par exemple : ceux-ci ont souvent francisé leur prénom, transformant par exemple Pawel en Paul, ou ont abandonné des prénoms trop difficiles à prononcer pour d’autres, coutumiers dans notre pays.
Aujourd’hui, le problème se pose surtout pour les enfants nés de familles venues des pays du Maghreb, du Proche-Orient ou d’Afrique subsaharienne. La tendance à changer de prénom sans rapport avec la tradition familiale existe dans ces composantes de notre société, mais elle n’est pas générale, loin s’en faut.
Pour ce qui est des familles de religion musulmane venues d’Afrique noire, il existe une pratique intéressante qui consiste à porter un prénom traditionnel comme second prénom, le premier étant le prénom musulman.
Dans les familles originaires du Maghreb, il existe une autre tendance : elle consiste à choisir des prénoms qui, bien que nés dans la langue arabe, correspondent à des prénoms usuels forgés dans des langues européennes. Il en est ainsi de Lina, en 27e position des prénoms féminins attribués en 2007, qui signifie « souple et tendre » en langue arabe, où il s’applique notamment à une branche de palmier, mais sonne comme diminutif de plusieurs prénoms anglais, italiens, ou autres finissant en -lina comme Adelina : il est difficile de démêler dans ce cas l’une et l’autre origine bien que l’arabe semble être la plus importante. La plupart de ces familles préfèrent toutefois nommer leur enfant en suivant leur propre tradition culturelle ou familiale, ce qui est tout à fait naturel. Ainsi Mohamed qui occupe toujours, en 2007, la 37e place des prénoms masculins entre celle de Romain et celle de Nicolas, est toujours le prénom masculin le plus attribué dans les familles de culture musulmane ; mais celui qui vient immédiatement après lui, à la 40e place, est Rayan, de l’arabe Rayyân, dont le sens est « bien abreuvé », puis « beau », qui est le nom d’une des portes du Paradis, et ressemble beaucoup à Ryan, d’origine irlandaise et venu des États-Unis.
Il s’en suit un devoir de la collectivité nationale : celui de protéger ses membres contre les conséquences parfois inopportunes de ces choix de prénoms tout à fait légitimes, choix qui résulte des droits reconnus à tout compatriote et, plus généralement, à toute personne vivant dans notre pays. L’École et les centres sociaux et culturels sont des lieux privilégiés d’éducation à cette tâche citoyenne.
Des éphémérides et des calendriers
en retard sur notre époque et sur la législation
Les chaînes de télévision présentent quotidiennement l’éphéméride de Météo France qui donne le prénom du jour. Les prénoms qui défilent ainsi sous nos yeux sont ceux du calendrier romain, c’est-à-dire celui de l’un des saints du jour retenu par le Vatican, calendrier qui sert de modèle à celui que les postiers ou les pompiers viennent nous proposer avant le nouvel an ou celui que nous trouvons dans les calendriers usuels.
Nous y trouvons par exemple Adelphe, un bien joli prénom masculin mais uniquement porté aujourd’hui dans notre pays par quelques personnes âgées qui se comptent sur le doigt de la main. Alors que n’y figure pas Jade, un des prénoms les plus appréciés ces dernières années pour les petites filles… Disons-le autrement : le calendrier romain livre de très beaux prénoms qui ont toujours la faveur du public, mais il présente une lacune grave : la plupart des classes de nos écoles, lycées et collèges ou des groupes de nos centres sociaux et culturels comprennent un nombre important d’élèves dont le prénom que ce calendrier ignores.
Ainsi, sur les 56 prénoms que nous trouvons dans la liste de ceux relevés au centre social La Florentine lors de l’action « Nos prénoms en partage », une quinzaine ne peuvent pas se rattacher au calendrier romain, directement ou non, comme variante ou comme diminutif.
Le défaut des calendriers et des éphémérides qui vient d’être relevé s’explique par une raison très simple. Très longtemps, l’administration a appliqué la loi du 11 germinal de l’an XI (1er avril 1803). Cette loi venait limiter la liberté de choix des prénoms permise par les lois de 1792-1793, lesquelles avaient été faites précisément pour échapper aux noms de baptême puisés dans une liste officielle de saints établie par l’Église du fait que, sous l’Ancien Régime, c’étaient les paroisses qui tenaient les registres des naissances.
En vertu de cette règle établie par le Consulat, pouvait seulement être accepté pour un nouveau né un prénom figurant dans les différents calendriers, comme Marie ou Jean, ainsi que les noms de personnages historiques comme Roxane ou César, ou mythologiques comme Pénélope ou Ulysse. Dans la pratique, il s’agissait avant tout du calendrier romain auquel s’ajoutait une liste plus ou moins officielle contenant certains prénoms permis par l’usage. Dans ces conditions, l’admission d’un prénom nouveau ou original dépendait surtout de la bonne humeur ou du bon vouloir de l’officier de l’état civil.
Il y a pourtant belle lurette que la mode a changé. La tendance a déjà évoquée d’attribuer des prénoms anglo-saxons au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Elle n’a pas ralenti, ceci grâce à la vogue des feuilletons télé américains qui nous ont amené des prénoms venus de la littérature comme Vanessa ou Samantha, ou des vieux prénoms celtiques, irlandais ou gaéliques comme Bryan, Kevin, Killian ou Marvin.
À côté de cela, a grandi lentement, à partir des années 1970, la tendance à donner aux prénoms leur forme régionale, bretonne comme Yann, occitane comme Magali.
Plus généralement se sont progressivement introduits dans l’état-civil des prénoms portés dans des milieux ne se retrouvant pas dans le calendrier officiel, comme ceux des familles musulmanes. Cela est-il vraiment étonnant quand, à l’échelle du pays tout entier, et donc davantage dans certaines villes et certains quartiers, plus de dix enfants sur cent naissent dans une famille de culture musulmane ?
Il était difficile pour les pouvoirs publics d’ignorer des changements de mœurs d’aussi vaste ampleur. Ils ont cherché à s’y adapter et ont été conduits, dès le milieu des années 1960, à assouplir la législation. De décret en règlement et de directive en arrêt de la Cour de Cassation, une nouvelle législation a fini par voir le jour au terme de cette évolution : la loi du 8 janvier 1993 donne entière liberté de choix du prénom et n’interdit en fait que ceux qui pourraient porter préjudice à l’enfant.
Mais aujourd’hui où le choix des prénoms est délié de toute entrave administrative, comment expliquer le décalage entre les listes du calendrier des Postes ou l’éphéméride du Journal Télévisé, et celles que nous pouvons constater dans les classes de nos écoles et les groupes de nos centre sociaux et culturels ? Il semble que l’explication soit à rechercher dans l’inertie officielle d’une tradition pourtant dépassée dans le peuple. Cette pratique offre un bien mauvais côté : quand on voudrait, dans une crèche ou un centre social, fêter le nom des enfants en suivant le calendrier, on n’a d’autre choix que de laisser de côté une partie non négligeable des enfants d’un groupe, parfois même la majorité, soit de priver tous les enfants de fête pour respecter l’égalité entre eux…
Nos prénoms invitent au voyage
dans le temps et dans l’espace.
La liste des prénoms de n’importe quel groupe pris au hasard renferme une diversité culturelle inouïe. La liste des prénoms du centre La Florentine ne fait pas exception. Si nous classons les prénoms selon la langue dans laquelle ils sont nés, nous y trouvons :
* 13 prénoms nés dans la langue latine : Camille, Clara, Éloïse, Émilie, Julie, Justine, Laura, Lucie et Séverine pour les filles, Aurélien, Florent, Romain et Valentin pour les garçons. Rien d’étonnant à cela. Le christianisme est devenu religion officielle de l’Empire romain avec Constantin, soit au début du IVe siècle. Dès lors, de nombreux noms romains sont tout naturellement devenus des noms de baptême. C’est le cas de ceux qui ont donné Émilie, Julie, Justine, Séverine ou Aurélien, qui correspondent à d’anciens noms de familles romaines devenus des noms de baptême. Et puis, il y a des noms de qualités ou de titres comme Camille, Clara, Laura, Lucie, Florent, Romain ou Valentin. Les prénoms d’origine restent très populaires puisque, sur les cent prénoms les plus donnés à l’échelle de notre pays dans les années 2000, filles et garçons confondus, 29 nous viennent du latin.
*13 prénoms nés dans la langue germanique : Adelina, Alicia, Amélie, Emma, Mathilde et Orléana pour les filles, de Arnaud, Enzo, Gauthier, Guillaume, Loïc, Roland et Thibaut pour les garçons. Il peut paraître curieux que nous ayons là un contingent de prénoms aussi fort. Cela correspond au fait que lorsque les Francs se sont convertis au christianisme avec Clovis, soit dans la toute dernière décennie du VIe siècle, leurs prénoms ont fourni de nombreux saints reconnus par l’Église et sont devenus prestigieux parce que portés dans la classe dirigeante. Ils se sont ainsi répandus dans la population et n’ont toujours pas perdu de leur attrait : parmi les cent prénoms les plus donnés en France dans les années 2000, filles et garçons confondus, 12 sont d’origine germanique.
* 8 prénoms nés dans la langue grecque : Catherine, Christina, Ophélie pour les filles, Alexandre, Christophe, Lucas et Lukas, ainsi que Théo pour les garçons. Cela ne doit pas non plus nous étonner du fait que le christianisme est né en Palestine et a pris son essor dans les régions environnantes, soit dans la partie de l’Empire romain où la langue officielle était le grec bien que la langue commune, celle que parlait le Christ, était l’araméen. Les Évangiles ont d’ailleurs été écrits en grec avant d’être traduits en latin. Aussi les noms grecs traditionnels comme Alexandre, Lucas ou Lukas, d’où dérive le nom de l’apôtre Luc, sont-ils devenus des noms chrétiens. Des noms nouveaux, inspirés par la ferveur religieuse comme ceux auxquels nous devons Catherine, Christina, Christophe, Ophélie ou Théophile, se sont ensuite ajoutés aux plus anciens. En fin de compte, sur les cent prénoms les plus donnés dans le pays entier dans les années 2000, filles et garçons confondus, 14 sont d’origine grecque.
* 7 prénoms nés dans la langue hébraïque : Anaëlle, Élisa, Sarah pour les filles, Giovanni, Matthieu, Raphaël et Yonis pour les garçons. Que nous devions des prénoms à la langue hébraïque tient au fait que l’Ancien Testament est écrit en hébreu et que les noms des patriarches, des rois et des prophètes ainsi que des femmes célébrées par le Bible se sont maintenus comme prénoms et sont passés du judaïsme au christianisme. Ainsi : Anna – d’où vient Anaëlle par croisement avec le nom grec qui a donné Ange et Angèle – Élisabeth qui a été raccourci en Élisa, et les autres prénoms cités au début de ce paragraphe. Notons ici que ces noms se retrouvent chez les Musulmans qui, comme les Chrétiens, ont hérité des personnages bibliques. Ainsi Ibrahim et Brahim correspondent-ils à Abraham, et Sarah, le nom porté par son épouse, est-il un nom fréquemment donné à des petites filles musulmanes sous la forme Sara. À l’échelle du pays, sur les cent prénoms les plus donnés dans les années 2000, filles et garçons confondus, 22 sont d’origine hébraïque.
* 5 prénoms nés dans les langues celtiques : Gaewen, et Gwendoline pour les filles, Alan, Bryan et Killian pour les garçons. Les trois premiers noms ont été introduits lorsque les Bretons ont traversé la Manche pour s’installer en Bretagne aux IVe-Ve siècles de notre ère. Les deux derniers, l’un, d’origine galloise et l’autre, irlandaise, sont le résultat de l’acclimatation récente de prénoms venus des États-Unis. Ces prénoms sont aujourd’hui en vogue : sur les cent prénoms les plus donnés dans les années 2000, filles et garçons confondus, 7 sont d’origine celtique.
* 5 prénoms nés dans la langue arabe : Assia et Djouher pour les filles, Ammar, Hichem et Sami pour les garçons. Notons que parmi les noms qui nous sont venus par la langue arabe, certains sont d’origine persane comme Shéhérazade ou Shirine, d’autres sont des noms musulmans transformés par les langues africaines comme c’est le cas de Sékou, de l’arabe Cheikh, ou Aïssatou qui est l’arabe Aïcha. À l’échelle du pays, les cent prénoms les plus attribués dans la première décennie du XXIe siècle ne comptent pas de noms de cette origine, mais leur usage est en hausse : Kenza est en 72e position en 2009 et nous avons vu que Mohamed ou Rayan étaient encore mieux placés à la fin des années 2000 (voir plus haut, page 7).
Quant aux 5 prénoms restant, voici ce que nous pouvons en dire :
Maeva nous vient d’une langue parlée à Tahiti, qui appartient à une Collectivité d’Outremer (COM), la Polynésie française, et qui, pour cette raison, s’est répandu en France métropolitaine à partir des années 1970.
Nadège, popularisé dans les années 1950-1960, nous vient de la langue russe. Tom vient de Thomas, s’explique par l’araméen, qui était la langue parlée par le Christ. Dans la forme, le diminutif nous est venu récemment avec la mode d’outre-Atlantique.
Mais, direz-vous, Jade sonne bien français. Certes, c’est un mot français mais le même terme a donné un prénom dans la langue anglaise avant même d’entrer dans la langue française : il traduit en vérité chez nous la reprise d’une mode anglo-américaine…
Et François, qui est le même mot que « français », puisqu’il s’écrivait et se prononçait autrefois de la même manière ? Aurions-nous là enfin un prénom né dans la langue française ? Eh bien non. Même François, qui semble être le prénom français par excellence, est curieusement venu d’ailleurs. Il est en fait la traduction de l’italien Francesco, qui est dû au père de François d’Assise qui l’a donné à son fils en hommage aux Français avec qui il faisait de fructueuses affaires…
Ceci vaut deux remarques. La première est qu’il n’est pas la peine de chercher quel prénom est vraiment français et l’autre pas. De fait, la seule manière de définir les prénoms français est la suivante : sont français ceux qui sont consignés sur l’état civil de la République française… C’est l’esprit de la République, celui des lois de 1792 et 1793, renouvelées par celle de 1993 après le long intermède ouvert par la loi de 1803.
La seconde remarque est qu’il n’est pas besoin d’aller bien loin pour nous déplacer dans l’espace vers des pays de culture différente ni de prendre la machine à remonter le temps pour voyager dans les cultures qui nous ont devancés. Nous les avons toutes à domicile. Il suffit d’ôter l’écorce de nos prénoms pour trouver dans leur noyau des trésors insoupçonnés : nous y découvrons l’histoire du peuplement de notre pays, des vagues successives d’installation de populations diverses qui ont peu à peu fusionné ; nous y lisons aussi l’histoire de toutes les croyances et les religions qui sont celles de nos concitoyens ; nous y rencontrons encore les mouvements culturels récents qui ont influencé les générations successives et des secteurs entiers de la société. Et voilà que tout cela se mêle et se croise sans soulever la moindre question. Au contraire, nous nous en sentons collectivement plus riches.
Nos prénoms, une richesse en commun
Une telle promenade dans le temps et l’espace permet de mettre en évidence deux phénomènes qui sont les deux faces d’une même réalité :
1. Le premier est une profonde similitude dans la manière avec laquelle les différentes langues et cultures font le choix des prénoms. Ils peuvent exprimer une qualité, un titre ou un état valorisant. C’est, pour les filles, le cas de Farah, Joy et Laetitia, qui tous trois signifient « joie », ou, pour les garçons, Basile, Malik et Régis, qui expriment « roi » en différentes langues. Nous avons des exemples de ce phénomène au centre La Florentine. On peut en effet établir une correspondance entre Assia, qui signifie en arabe « celle qui soigne, qui console », et Ophélie qui vient d’un mot grec signifiant « secours ». De même, pour les garçons : Bryan, qui est en celtique « colline », soit une manière imagée de dire « élevé », se retrouve dans l’arabe Sami, dont le sens est « élevé » et, au sens dérivé « sublime ».
Une anecdote à ce sujet : dans une classe du Collège Sévigné, à Roubaix, un élève s’appelait Grégory, et un autre, fraîchement arrivé du Maroc, Samir. Grégory signifie en grec « éveillé » tandis qu’en langue arabe, Samir est « celui qui veille, le compagnon de veillée ». Quelle surprise n’a pas été celle de leur professeur quand il s’est aperçu, longtemps après que l’action éducative sur les prénoms eut été menée dans la classe, que les élèves avaient échangé leurs prénoms et que leurs camarades les intervertissaient : désormais Samir était nommé Grégory, et Grégory était devenu Samir… Voilà un bon exemple d’acceptation d’un nouveau venu dans un groupe.
Ces correspondances entre prénoms nés des différentes langues sont extrêmement instructives et beaucoup plus fréquentes que l’on ne pense généralement, comme le montrent les tableaux présentés dans le chapitre intitulé « Les prénoms au Centre social et culturel La Florentine » (voir plus loin, pages 17-20). Découvrir une démarche parallèle dans différentes langues révèle une communauté profonde des sentiments chez les hommes et les femmes de traditions culturelles ou religieuses différentes.
2. Le second phénomène réside dans l’originalité que révèlent chaque langue et de chaque culture, ancienne ou contemporaine. Ainsi la langue germanique adore les noms exprimant noblesse, héroïsme et valeurs guerrières, et cela même pour les filles. Les prénoms de la Florentine nous en livre un échantillon éloquent : Adeline et Alicia contiennent l’idée de « noblesse », Guillaume celle de « volonté et de « casque [c’est-à-dire : protection] » ; Mathilde signifie « forte à la guerre »…
Cela est aussi vrai, dans une moindre mesure pour la langue grecque qui fournit Alexandre, le « défenseur des hommes ».
La langue latine est à l’origine de noms correspondant à des défauts physiques, dont l’attribution est en général réprouvée dans les autres cultures, comme Paul, qui signifie « petit » ou Claude, « boîteux, -euse » ; mais à la décharge des Latins, il s’agit à l’origine de noms de famille devenus par la suite des prénoms. Le phénomène qui consiste à faire de certains sobriquets, c’est-à-dire de surnoms descriptifs, des noms de famille est ‘d’ailleurs connu puisque avons en français des Leborgne, des Lebossu ou des Lenain…
La langue arabe est, de son côté, riche en noms de parfums comme Abir, « parfum composé de plusieurs aromates », ou Leila, « parfum qui provoque l’ivresse » ; en pierres précieuses ou joyaux comme Farida, « perle », ce que l’on retrouve dans Marguerite, qui vient du persan ; la liste de La Florentine nous donne à ce sujet Djouher, « joyau ».
3. Nous pouvons encore avoir un composé de ces deux notions. Ainsi, des qualités humaines vont s’exprimer par des noms d’animaux. On retrouve parfois le même animal, comme l’« aigle » qui illustre l’idée de « majesté », dans les prénoms Arlette ou Arnaud donnés par la langue germanique là où la langue arabe connaît Haytham ou Nasr. Mais comme ces langues sont nées dans des considérations géographiques différentes, l’animal ne sera pas forcément le même. L’idée de « force » sera exprimée dans les langues germaniques et celtiques par l’« ours » : c’est le cas des prénoms Armelle, Arthur, Bérangère et Bernard. On ne sera pas surpris que la langue arabe confère cette qualité au « lion » : les prénoms liés à cet animal dépassent, dans cette langue, le nombre de 70, et nous connaissons d’ailleurs quelques uns en France, notamment Abbas ou Hamza.
Goûter, par le biais des prénoms de ses camarades de classe ou de groupe l’originalité d’autres cultures, est une bonne manière d’élargir de façon ludique les connaissances et l’expérience de tous et permet à chacun un enrichissement personnel. La diversité des prénoms est bien une richesse que nous possédons en partage et assumer cette donnée ne peut avoir que des effets bénéfiques sur le vivre ensemble.
Roland Laffitte – Selefa
Présentation de l’action éducative
L’action conduite cette année au Centre social et culturel La Florentine a impliqué les animateurs suivants : Amélie Angéli, Giovanni Baras, Djouher Belkesa, Aurélien Brulez et Cathy Daumerie, ainsi que le calligraphe Amar Saïdi, ceci en coordination avec Christophe Lajoie et Hichem Lyazali.
Les objectifs éducatifs de l’action sur les prénoms
La mise en commun des prénoms remplit plusieurs fonctions :
La première fonction concerne la convivialité. Partager les prénoms dans le groupe est une manière de faire vivre celui-ci par l’échange sur un sujet qui touche tous ses membres de façon intime.
La seconde fonction consiste à favoriser la reconnaissance collective de chaque élève par le groupe. Échanger les prénoms est l’occasion pour chacun d’apporter la connaissance de cet objet culturel qu’est son prénom, et d’acquérir en même temps une reconnaissance et une valorisation par le groupe entier d’une des facettes culturelles qui appartient à la personnalité de chaque élève.
Une troisième fonction est d’élargir l’horizon de tous. Discuter ensemble des prénoms est susceptible d’éveiller la curiosité des jeunes sur d’autres temps et lieux, sur les sociétés qui ont produit ces prénoms, qu’il s’agisse de leur signification, des modes de nommer les enfants et du statut assumé par ce que nous appelons « prénom », et cela est aussi vrai pour les enfants, à l’exception seulement des tous petits. Elle stimule leur intérêt pour ce qu’ils apprennent à l’école des différentes sociétés et cultures dans les petites encyclopédies pour enfants et nombre d’émissions de découverte à la télévision.
Nous avons essayé, dans cette plaquette, de rendre compte de façon vivante des résultats de cette action et espérons convaincre qu’elle mérite bien son nom : « Nos prénoms en partage ».
Déroulement de l’action
Les enfants ont été informés qu’une activité allait être organisée sur les prénoms de leur groupe. Ils ont été invités à engager une discussion à ce sujet avec leurs parents. En mettant les élèves en situation d’attente de réponse à une partie de leurs questions, l’annonce de la venue d’un intervenant extérieur était de nature à stimuler la curiosité des enfants sur son propre nom, et à souligner l’intérêt porté à chaque enfant devant le groupe et l’importance de la démarche engagée. Parallèlement, la liste des prénoms du groupe était fournie à l’intervenant.
La première séance en présence de l’intervenant a été l’occasion d’une mise en commun des prénoms lors d’un tour de table. Chaque enfant a livré son sentiment sur son prénom tandis que l’intervenant a pu apporter des précisions sur sa signification et, à l’exception des plus petits, quelques éléments sur l’histoire de chaque prénom en mettant l’accent sur ce que chacun d’entre eux apporte au groupe tout entier.
Certaines de ces précisions sont communes à tous les groupes. D’autres dépendent de la composition des groupes, des préoccupations des enfants. Mais toutes visent à ce que chaque enfant, quelles que soient ses traditions familiales et l’origine de son prénom, puisse se sentir plus proche des autres, cela en suivant deux pistes :
La première piste est la mise en évidence des correspondances des prénoms d’origine différente. C’est ainsi que de nombreux prénoms, comme ceux qui vantent des qualités physiques ou morales, expriment la même idée à travers des langues différentes (voir les tableaux présentés dans le chapitre intitulé « Les prénoms au Centre social et culturel La Florentine »).
La seconde piste prend appui sur certains prénoms pour souligner l’originalité des habitudes dans telle ou telle culture dans le choix des prénoms et leur signification.
Élaboration d’actions différenciées dans les différents groupes
Le bilan de cette mise en commun a permis aux animateurs d’élaborer des actions sur la durée adaptée aux différents groupes d’enfants.
Les groupes des plus petits et des moyens ont tout naturellement illustré, avec leurs animatrices, leur prénom, certains par l’écriture d’acrostiches, c’est-à-dire de poèmes dans lesquels les premières lettres de chaque vers, lus de haut en bas, constituent le prénom considéré.
Le groupe des plus grands était naturellement plus ouvert aux explications sur l’origine des prénoms du fait que les enfants ont déjà une certaine connaissance de l’histoire et de la géographie à l’école. Chaque enfant a été conduit à illustrer son prénom et l’action a été accompagnée d’une initiation à la calligraphie gothique, puis arabe grâce à l’intervention du calligraphe Amar Saïdi.
Publication des résultats des actions
Les travaux individuels et collectifs ont été mis à la disposition de tous grâce à un affichage dans les salles d’animation.
Ils ont été l’objet d’une sélection pour figurer sur le site de la SELEFA consacrée à cette action.
L’action s’est terminée par une présentation de l’action éducative et de ses résultat aux parents et la distribution de la présente plaquette qui la résume.